HERNANDO CALVO OSPINA
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« La Colombie a cherché une issue militaire à un conflit politique et social »

mercredi 25 août 2010, par Interview de Manola Romalo

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Manola Romalo : Le 7 juillet, durant sa visite officielle à Berlin, l`actuel président colombien Manuel Santos a affirmé que les succès remportés par son prédécesseur Alvaro Uribe avec la « stratégie démocratique » permettront à son gouvernement de se concentrer sur le « développement social, la lutte contre le chômage et la pauvreté. » Qu`a réalisé Uribe ?

Hernando Calvo Ospina : Durant sa première campagne présidentielle, Uribe a affirmé qu`il vaincra la guérilla dans les six premiers mois de son mandat. Huit ans ont passé et, à par le fait que quelques dirigeants et cadres aient été tués, la structure des insurgés est intacte. Ils continuent à être sur le territoire national comme l`indique la Croix Rouge Internationale dans son rapport 2010.

Depuis 1964, lorsqu`on essaya de liquider un campement de 50 paysans et paysannes qui revendiquaient des terres et exigeaient la paix, tous les présidents colombiens ont déclaré qu`ils viendraient á bout de la guérilla. Malgré l`immense appui militaire des États-Unis ainsi que des 16.000 soldats des Forces Armée colombiennes, ce groupuscule ne fut jamais vaincu : il donna naissance aux FARC (Forces Armées Révolutionnaires de Colombie.)

Pourquoi ? Parce qu`on a cherché en premier lieu une issue militaire à un conflit politique et social. A la fin de chaque mandat, la guérilla est plus fortifiée qu`avant puisque la violence de l`État se dirige contre la population civile. Selon l ´Organisation des Nations Unis ainsi que d`autres instances, depuis les années ´80 la Colombie est l`un des principaux pays du monde violeur des droits humains. A cause de ce terrorisme d`État, c`est le pays de la planète avec le plus grand nombre de personne déplacées, environ 4 millions, le premier concernant le nombre de détenus-disparus et les assassinats de syndicalistes.

L`augmentation de la misère - la Colombie est le second pays avec la plus grande inégalité sociale et économique du monde - jette les jeunes dans les bras de la guérilla. L`unique choix que leur laisse L`État c`est de se faire assassiner par la Force Armée colombiennes ou bien par ses paramilitaires, mourir de faim ou prendre les armes. Ils ont en plus le choix de participer à des réseaux de narcotrafiquants…

MR : Quelle est l`origine sociale du président Manuel Santos ?

HCO : Le nouveau président Santos provient de la grande oligarchie traditionnelle, celle qui dans les années cinquante a commencé une politique de violence. Santos essayera de lui rendre le pouvoir économique et politique presque perdu au profit de la nouvelle oligarchie qui émergea avec le trafique de drogue, dont le principal représentant politique a été Uribe.

MR : La chaine publique allemande ARD affirma le 22 juillet dans son émission d`informations : « En réalité, les vidéos ne laissent aucun doute au sujet de l`existence, peut`être depuis des années, des campements des FARC » au Venezuela. Quelles preuves a-t-on ?

HCO : Aucune institution internationale, à commencer par l`Organisation des états américains (OEA), n`a pris au sérieux les « preuves » présentées par le gouvernement colombien. Uniquement la grand presse mondiale qui reproduit ce que rédigent les agences de Washington et de Madrid, a présenté ces « informations » comme véridiques.

Les photos des soit disant campement de guérilleros des FARC au Venezuela, montrées par le gouvernement colombien, peuvent être faites dans n`importe quel parc de New York ou de Paris, pendant un barbecue familial. N`importe quelle personne avec un minimum de sens logique peut le constater. D`autant plus un journaliste, au cas où il aurait un quantum d`étique professionnelle. Les coordonnées par satellite se fabriquent. Le gouvernement colombien n`a aucune difficulté à le faire , d`autant plus qu`il est assisté par des experts israéliens ou étatsuniens.

Mais ces « preuves » ainsi que la manière dont la grande presse a informé, les transformant en « réalités » sans chercher à les vérifier, ont été utilisé pour continuer à attaquer le président Chávez, très peu apprécié par Washington et ses alliés, dans leur effort pour le déroger ou l`assassiner. Le véritable ennemi c`est le projet politique alternatif dirigé par Chávez qui a réussi á bien « désorganiser » la cour arrière des États-Unis.

MR : Alvaro Uribe a crée un conflit potentiellement guerrier avec le Venezuela, mais le nouveau président Santos donne l`impression de vouloir améliorer les relations avec cette nation-sœur. Le 11 aout, quatre jours après avoir pris possession de sa nouvelle fonction, il invita le président Chávez á Santa Marta (Colombie). Comment expliquer ce comportement contradictoire des deux mandataires colombiens ?

HCO : Je continue d`affirmer que le président Chávez a le cœur sur la main. Il est l`un des rares catholiques à tendre l`autre joue pour se faire gifler. Lorsque Santos fut ministre de la Défense, il prépara de nombreux attentats mandatés par Washington, contre le dirigeant vénézuélien. Coordonnés par Washington et l`opposition vénézuélienne des centaines de paramilitaires se sont infiltré au Venezuela pour préparer des coups d `État. Durant le mandat de ce même ministre on encercla militairement un grand nombre des principales voies de sortie de la cocaïne vers les États-Unis ainsi que vers l`Europe, mais… la Colombie laissa ouverte sa frontière du Nord avec le Venezuela. Ces réseaux de narcotrafiquants ont été et sont manipulés par les paramilitaires dont les gains ne financent pas seulement l`enrichissement de quelques uns, mais aussi la guerre sale contre les mouvements populaires. Exactement comme au Vietnam, dans les années ´60 ou bien au Nicaragua durant les années ´80 contre le gouvernement sandiniste.

Ce qui intéresse Santos aujourd`hui c`est d`améliorer les relations avec le Venezuela pour pouvoir rétablir le commerce, puisque l`industrie colombienne est en train de perdre quelques 7 milles millions de dollars par an.

MR : Quel était le but du président Hugo Chávez à cette réunion ?

HCO : En se rendant á cette réunion avec Santos, le président Chávez a voulu montrer que ce n`est pas lui qui agresse la Colombie, n`en déplaise á toute la campagne médiatique qu`Uribe et les grands groupes internationaux ont mis en œuvre pendant des années, le décrivant comme le diable en personne. Il est certain que le Venezuela n`a pas besoin de la Colombie puisqu`ils existent de nombreux pays, dont le Brésil et l`Argentine, prêts à lui livrer les produits que la Colombie doit vendre par nécessité.

De toute façon, le président Chávez est au courant du fait que la Colombie est chargé par Washington de déstabiliser son gouvernement et même de le tuer. Ce qui est complètement insensé puisque le Venezuela donne du travail à quelques millions d`immigrés colombiens. Le fait d`attaquer le Venezuela ou d`assassiner Chávez déclencherait une guerre régionale oú seule l`industrie étatsunienne de l’armement triompherait.

Il est possible qu`actuellement Washington soit en train de réfléchir de laisser tomber - pour le moment - ce projet de déstabilisation du gouvernement de Chávez, puisque les États Unis veulent partir en guerre contre l`Iran…

MR : En juillet des membres du Congrès colombien, des ONG de droits humains et 21 parlementaires de l`Union Européenne ont découvert dans la région de Macarena un cimetière clandestin avec quelques 1.500 victimes des Forces Armés de Colombie. Cette fosse commune se trouve près d`une brigade de l`armée ayant reçu une aide financières des USA. Auront ces révélations des répercussions juridiques pour Uribe ?

HCO : C`est un autre des crimes à cause desquels Uribe pourrait finir devant le Tribunal International de La Haye. Contre Uribe existent de nombreuses plaintes pour crimes de guerre et de lèse-humanité qui pourraient avoir lieu maintenant contre l`ex-président rentré dans le civil. N`oubliez pas que l`actuel président Santos, du fait d`avoir été ministre de la Défense, est aussi responsable de nombreux de ces mêmes crimes.

Illogique dans tout cela est le fait que le Secrétaire général de l`ONU a nommé Uribe en tant que vice-président de la Commission qui va investiguer les circonstances de l`attaque du commando israélien contre la flottille d`assistance aux Palestiniens de la frange de Gaza. N`oublions pas que durant cette attaque démesurée neufs personnes ont été tuées et beaucoup d`autres blessées. Cette désignation n`est pas logique puisqu`Uribe fit d`Israël, après les États-Unis, sont second grand allié militaire. Par exemple : un ancien commandant israélien de la zone de Gaza est actuellement l´assesseur des services secrets militaires de Colombie.

MR : Avec un budget initial de 1,6 billions de dollars, les États-Unis ont mis en place en 1999 le Plan Colombia, soi-disant pour « lutter contre le narco-terrorisme ». Quel résultat fut atteint après onze ans ?

HCO : Le prétexte du Plan Colombia a été le « narco-terrorisme ». En réalité la production et le trafique de cocaïne ont continué - et pas précisément dans les zones contrôlées par la guérilla. Honnêtement, il est bien difficile de croire que ces centaines de tonnes de cocaïne qui prennent la route vers les États-Unis, proviennent de la guérilla. S`il en était ainsi, pourquoi ne les arrêtent-on pas ?

Le Plan Colombia dans le quel environ 10 millions de dollars ont été investi jusqu’à ce jour, a été un projet de la contre insurrection dans le quel l`industrie de l`armement étatsunienne et, en moindre mesure celle israélienne, se sont approprié presque tout cet argent. Pas un centime de « l`apport » des Etats Unis ou bien de ce que la Banque mondiale a prêté à la Colombie n`a été remis directement aux Colombiens. Tout cet argent a été administré par le Pentagone et le Département d`Ètat.

(Traduction en français Manola Romalo)

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